A travers son livre « La femme qui fuit », l’écrivaine et scénariste Anaïs Barbeau-Lavalette remonte le fil de sa généalogie pour retrouver sa grand’mère, Suzanne Meloche, dont elle ne sait à peu près rien… Cette femme, artiste rebelle, née en 1926, a côtoyé de près les artistes du Refus global, en épousant, en 1948, le peintre Marcel Barbeau, qui en faisait partie. C’est l’histoire fascinante de cette femme, oubliée de tous, qu’ont voulu raconter trois femmes contemporaines inspirantes, soit Alexia Burger, à la mise en scène, Sarah Berthiaume, à l’adaptation, et, bien sûr, Anaïs Barbeau-Lavalette, l’auteure.
Présentée au TNM du 10 septembre au 5 octobre, la pièce éponyme se déploie dans un décor unique des plus sobres, soit une volée de marches blanches emplissant totalement la scène. Ce choix scénique neutre (de Simon Guilbault), en plus de laisser toute la place au contenu, permet aux 19 interprètes de pouvoir être présents simultanément sur scène. Il permet également l’illustration de toutes les formes artistiques du Refus global, soient l’écriture, le mouvement (danse et chorégraphie) ainsi que l’art visuel. Il permet également de pouvoir traiter la chronologie des événements de la vie riche et tumultueuse de Suzanne Meloche, en mettant de l’avant les scènes qui se déroulent au présent.

Narration de Catherine de Léan
La pièce se présente sous la forme d’une narratrice (Catherine de Léan), qui s’adresse, comme dans une longue lettre, à sa grand’mère, à différentes époques de sa vie. Le « tu » employé en est un intime, familier et affectueux, qui convoque cette grand’mère, que la petite-fille désire connaître, quelque 25 ans après sa mort… (Pour rédiger son livre, Anaïs Barbeau-Lavalette a fouillé les archives, les lettres et les différents documents que son aïeule avait laissés).
On découvre la vie de cette femme hors normes à travers différentes époques de sa vie, représentées ici par différentes interprètes : Éveline Gélinas, Marie-France Lambert, Louise Laprade, Zoé Tremblay-Bianco, et les toutes jeunes Justine Grégoire et Agathe Ledoux. On entre dans cette histoire comme on entrerait dans un grand livre de conte, où la fascination, l’intérêt et le rythme soutenu des faits nous font oublier tout le réel autour de soi… Cette heure et demie passe comme un souffle sur l’éternité…
Du particulier à l’universel…
Comme pour toutes les œuvres signifiantes, le particulier rejoint ici l’universel. A travers la relation de cette vie triste et tragique de femme, on revit l’époque de la Grande noirceur, au Québec, et de son corollaire, la révolte des artistes du Refus global. Comme dans toute révolution – même tranquille – on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs… Les 7 femmes signataires du Refus global ont affirmé haut et fort leur autonomie, leur créativité et leur droit de cité et ont été reconnues comme telles par leurs pairs et l’Histoire.
Cependant, Suzanne Meloche, n’en faisant pas partie et n’y étant reliée que par son mari, n’a pas pu bénéficier des avantages du groupe. Étouffée par les contraintes sociales de l’époque, dont la soumission au mari et à la religion, elle se retrouve seule et démunie avec ses deux enfants à élever. Pour sauver sa peau, elle abandonnera ses deux enfants à la crèche. Ces derniers, Manon et François Barbeau – tout comme d’autres enfants des artistes – seront les victimes de cette révolution culturelle qu’a été le Refus global.
Crédit photos : Yves Renaud
Pour en connaître davantage sur La femme qui fuit, c’est par ici!
Une pièce intense, vibrante et passionnante, à voir jusqu’au 5 octobre au TNM.
Théâtre du Nouveau Monde (tnm.qc.ca)