
Soumis par Luce Langis le 4 octobre 2019 –

Le 2 octobre dernier, l’Orchestre symphonique de Laval ouvrait sa saison « Les grands concerts » avec le magnifique concert « Les années folles » à la Salle André-Mathieu de Laval. C’est à un concert vraiment superbe, rempli d’effervescence et de pétillance que nous conviait l’orchestre, dirigé par Maestro Alain Trudel.
Nous célébrons cette année le centième anniversaire des Années folles, comprises entre 1919 (année de l’armistice) jusqu’au crash boursier de 1929. C’est une période d’effervescence, d’insouciance, de belle folie et de joie de vivre, où la vie reprend ses droits, après avoir été mise entre parenthèses durant la première grande guerre…Sur le plan littéraire, c’est l’époque du Dadaïsme, suivi du Surréalisme, avec André Breton. C’est aussi l’époque du cinéma expérimental, avec Bunuel et Dali, qui créent « Un chien andalou ». C’est l’époque de Picasso à la peinture, et de Man Ray, à la photographie. La musique, bien sûr, n’est pas en reste…
Ce concert regroupait 5 grands compositeurs de cette époque, soient Érik Satie, Claude Champagne, George Gerswhin, Jean Sibelius et enfin, Maurice Ravel. En ouverture, « La belle excentrique », d’Erik Satie, nous a été présentée. D’un ton léger, amusant, rythmé et ironique, cette pièce, commandée par l’audacieuse danseuse et chorégraphe Caryatis, reflète bien la personnalité excentrique d’Érik Satie. Ce précurseur du surréalisme, du minimalisme et du théâtre de l’absurde a créé cette « Suite pour petit orchestre » à Paris, en 1921. Elle constitue une parodie des clichés du music-hall, univers que le compositeur connaît très bien. Le ton est donné dès les premières mesures : dissonances joyeuses, annonçant la Valse et le Cancan, qui suivront, reflétant à merveille l’insouciance et l’extravagance des Années folles parisiennes. Dès cette première pièce, drôle et un tantinet irrévérencieuse, un sourire se dessine sur nos visages.
La deuxième pièce présentée, « Hercule et Omphale », est un poème symphonique écrit en 1918, par le
grand compositeur montréalais, Claude Champagne. Cette pièce, relatant un dialogue entre, d’un côté la force d’Hercule, et de l’autre la grâce d’Omphale – cette dernière l’emportant finalement sur la force – témoigne à la fois d’une influence de l’héritage musical européen du compositeur et de son grand talent. Cette pièce, beaucoup plus calme, posée et sage que la précédente, constitue un moment plus solennel, apaisé et contemplatif du concert.
Cependant, nous ne resterons pas très longtemps dans cette atmosphère un peu plus sage… Arrive la « Rhapsody in Blue » de Gerswhin! Attachez vos tuques avec de la broche, parce que ça déménage! Jouée au piano avec un brio extraordinaire par le jeune pianiste prodige Philippe Prud’homme, accompagné de l’orchestre, cette pièce laisse les spectateurs bouche bée, émerveillés et littéralement sonnés par tant de prouesse pianistique et de vivacité orchestrale. C’est à un véritable exploit pianistique enlevé que nous avons assisté! C’est ainsi que la salle au complet, d’un seul mouvement, s’est levée pour offrir une ovation debout au pianiste et à l’orchestre! Cette pièce, écrite en 5 semaines, et présentée pour la première fois en 1924 à New York, par le jazz band de Whiteman et Gerswhin lui-même au piano, possède, à coup sûr, des accents jazzés. Associant rythmes syncopés, cuivres en sourdine et certains accords en neuvième, l’ensemble évoque un mélange de jazz et de musique de variétés. C’est une pièce très vivante, vive, scandée, joyeuse, évoquant parfois la fanfare, où le piano répond à l’orchestre – et vive-versa. Aucun doute : nous sommes vraiment dans l’époque des Années folles!…
La Symphonie no 7 en do majeur, op. 105, de Jean Sibelius, présentée après l’entracte, vient mettre un peu d’ordre et d’apaisement dans cette joyeuse folie du début du siècle. Plus calme, majestueuse, cette symphonie reflète bien la quête spirituelle de Sibelius. Les thèmes s’y développent d’une façon organique, tout en restant reconnaissables. Après une introduction lente, le thème aux trombones ponctue la symphonie à trois reprises, incluant deux scherzo, avant de se terminer sur un accord grandiose.
Enfin, la pièce que tout le monde attendait avec gourmandise, le fameux Boléro de Ravel, nous a été offert en dessert. Cette œuvre, devenue célébrissime, n’était pourtant au départ qu’un pari que Ravel s’était donné : composer une œuvre, ne comportant que deux thèmes, soutenus par un seul ostinato rythmique. Eh bien, cette pièce magnifique, basée uniquement sur un rythme répétitif, qu’un crescendo de 17 minutes rend hypnotique, est devenue l’oeuvre la plus connue et la plus appréciée de Ravel.
Cette soirée fut des plus excitantes et mémorables.