
Pour l’ouverture de sa 62 ème saison, la compagnie des Grands Ballets canadiens a choisi de nous présenter un magnifique spectacle de très grande envergure. En effet, un programme double tout à fait sublime nous est offert, dans la présentation de deux œuvres majeures du renommé chorégraphe Edward Clug : Stabat Mater et Carmina Burana. Les deux chorégraphies sont soutenues par l’orchestre des Grands Ballets, dirigé par l’excellente Maestra Dina Gilbert, et mettent en scène 150 artistes : 40 danseurs, 70 musiciens, 40 choristes et 3 solistes renommés : la soprano Aline Kutan, le ténor Spencer Britten et le baryton Dominique Côté. Une production magistrale, au signe de l’excellence!
Les deux œuvres musicales sur lesquelles Clug a choisi de créer ses chorégraphies constituent, en soi, des chefs d’oeuvre. Le Stabat Mater – en première partie – est une œuvre religieuse, écrite en 1736, par le compositeur Giovanni Battista Pergolesi, dans un monastère italien. Sur cette musique sacrée, représentant la souffrance et la douleur de la Vierge Marie, Clug a choisi d’y interpréter sa propre vision de l’être humain, englobant ainsi une représentation plus complète, plus métaphysique de l’expérience humaine. Il a choisi un point de vue résolument moderne, où les danseurs et danseuses expriment leur vécu ainsi que les grandes questions existentielles qui les habitent : la relation égalitaire entre hommes et femmes, le désir, la passion, l’enfantement, la crucifixion morale, l’aide aux plus faibles, la mort, etc. Pour le chorégraphe, l’oeuvre fougueuse et grandiose de Pergolèse exprime davantage l’espoir que la souffrance. C’est donc cette tangente qu’il a choisie pour incarner cette œuvre musicale mythique. Portés par cette musique sublime, d’une grande puissance et profondeur, les danseurs expriment, dans un ballet parfait, rythmé au quart de tour, les grands enjeux humains. La justesse du geste, l’excellence, la synchronicité, la grâce et la précision de leurs mouvements, alliés aux costumes sobres mais signifiants des danseurs, tout cela nous porte au ravissement.
La deuxième chorégraphie, encore plus impressionnante, est dansée sur la célèbre musique de Carl Orff, composée en 1935-36 : Carmina Burana. Cette ode à la vie prend racine dans 24 poèmes médiévaux tirés de chants profanes en latin, en allemand et en vieux français et rédigés par des clercs itinérants des XIIème et XIII ème siècles. Cette œuvre magistrale, d’une beauté et d’une puissance sans pareilles, illustre la condition humaine, soumise au Destin. Le chorégraphe a choisi d’illustrer ce thème par un grand cercle, qui plane au-dessus des hommes et des femmes et qui parfois s’abaisse pour en emprisonner quelques-uns – en laissant d’autres à l’extérieur – puis remonte… On pense donc à la vie individuelle, qui parfois est ciblée par un coup du destin, puis qui redevient plus calme… Toutes ces trajectoires individuelles que sont nos vies semblent régies par une seule et même grande énergie : le Destin. Le premier mouvement de Carmina Burana, Ô Fortuna, nous entraîne dans un lancinant crescendo, qui devient presque hypnotique, lorsqu’il referme la boucle, à la fin. Cette puissante musique, magnifiquement illustrée par les danseurs, nous entraîne vers de fortes émotions, où se côtoient tous les éléments de la vie : l’amour, l’espoir, la déception, la mort…
Le jeu des danseurs est impeccable. Le moindre petit geste de ces derniers est si juste et si précis que la vue d’ensemble nous donne l’impression d’un seul et même geste, fait à l’unisson. Soulignons ici, en plus du travail acharné des danseurs, celui du directeur artistique, Ivan Cavallari. Les costumes, sobres et signifiants, sont de Jordi Roig et de Léo Kulas. Les décors, très épurés – et également très à propos – sont de Marko Japelj. L’éclairage, d’une grande pureté, est de Marc Parent.
Cette production magistrale, incandescente, est présentée jusqu’au 19 octobre. Courez-y!