
Soumis par Luce Langis le 8 mai 2019
4 mai 2019
C’est dans une salle remplie à pleine capacité que j’ai assisté avec bonheur à la première de l’Opéra Carmen, présenté à cinq reprises, du 4 au 13 mai 2019, à la salle Wilfrid-Pelletier de Montréal.
Cet opéra, le plus connu de tous, constitue sans contredit le plus grand succès du compositeur Georges Bizet. Créé à la fin de sa vie, en 1875, il représente l’oeuvre la plus authentique et originale de ce compositeur, qui avait cherché – bien inutilement et avec plus ou moins de succès – à plaire à son public durant toute sa vie. Avec Carmen, il a enfin écrit ce qu’il avait de plus profond et de plus vrai en lui. Et ce fut un réel succès posthume! Le livret, d’Henri Meilhac et de Ludovic Halévy, a été créé d’après une nouvelle de Prosper Mérimée. Dans la version présentée ici, certains dialogues et arrangements ont été adaptés avec succès par le metteur en scène Charles Binamé et le chef d’orchestre Alain Trudel, dans l’esprit de Bizet.
Pour Charles Binamé, le cinéaste bien connu, c’était une toute première expérience de mise en scène à l’opéra. Dans l’ensemble, le résultat est positif, intéressant et agréable, bien que certains points gagneraient à être améliorés. Parlons du son: à un certain moment, il est si faible qu’on doit recourir à la transcription, en haut de la scène. En ce qui a trait aux costumes, le fait que Carmen soit vêtue de couleurs sombres (noir ou gris) enlève de l’intensité à son personnage. Carmen est une femme fougueuse, libre, passionnée et amoureuse, à laquelle siérait mieux l’utilisation de couleurs chaudes. Quant aux décors, constitués de façades de portails andalous, ils constituent un bon choix, selon moi, car ils permettent de laisser la place libre au centre, pouvant ainsi se transformer en place centrale, en taverne et en arène. Il aurait été intéressant, cependant, de varier quelque peu cette base de décors, afin de surprendre l’oeil.
Certains symboles utilisés par le metteur en scène sont intéressants à décrypter. La traînée du long tissu rouge vif, au début et à la fin de l’opéra, fait référence, selon moi, au destin cruel et sanglant qui attend Carmen. La signification de certains autres symboles – comme l’ajout puis le retrait des planches de bois du décor – est cependant demeurée opaque, pour moi.
Quant au jeu scénique de Carmen (la soprano Krista De Sylva), il m’a semblé qu’il manquait un peu d’éclat. Il aurait pu être plus extravagant, plus éblouissant, et sortir davantage du lot. Par moments, Carmen semblait être simplement une gitane parmi les autres, alors qu’elle devait être la reine des gitanes.
D’une façon générale, j’ai apprécié le jeu et la qualité du chant de Carmen, de Don José (Antoine Bélanger), de Escamillo (Christopher Dunham), de Micaëla (France Bellemare), ainsi que de tous les autres chanteurs et chanteuses. Notons que l’entièreté de la production était canadienne.
Le jeu de l’orchestre, dirigé par Maestro Alain Trudel, était, selon moi, impeccable. Il s’arrimait parfaitement au jeu scénique et « donnait à voir ». De par sa subtilité et la large gamme de ses possibilités, il prolongeait l’émotion ou l’exacerbait, selon les scènes. Le chef de choeur, Claude Webster, a aussi accompli un travail formidable, notamment avec son choeur d’enfants.
En résumé, bien qu’il y ait de petites modalités techniques à améliorer (et qui le seront certainement après la première), ce spectacle à grand déploiement, mettant en scène plus de cinquante chanteurs, comédiens et danseurs, est à voir. Il constitue une chance unique de voir ou de revoir cet opéra qui nous ravit toujours le cœur, par ses mélodies connues, son histoire intemporelle, ses décors et ses costumes, qui nous en mettent plein la vue.
L’opéra Carmen est présenté jusqu’au 13 mai. Dépêchez-vous d’acheter vos billets, car ils partent comme des petits pains chauds.
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