
Soumis par Luce Langis le 17 octobre 2020

Lors de la première vague de la pandémie, le gouvernement a demandé aux créateurs de se « réinventer ». Cela a été reçu comme une véritable gifle par les créateurs – surtout ceux des arts vivants – qui ne font que ça, « se réinventer ». Pourtant, bons joueurs, plusieurs, dont le TNM, ont décidé de relever le défi, et le résultat est, ma foi, assez intéressant…
La tragicomédie « La Nuit des rois », de Shakespeare, écrite au tout début du XVII ème siècle, devait être présentée au TNM, lors de cette présente saison. Or, comme on le sait, les théâtres ont tous dû fermer leurs portes, durant cet octobre 2020 maudit… Le TNM s’est alors tourné vers la Web diffusion, en présentant, dernièrement, une adaptation de cette pièce, intitulée « Prélude à la Nuit des rois. » Il faut cependant noter que, du fait même du changement de facture de la pièce, c’est une tout autre œuvre que la pièce originale de Shakespeare, qui est ici présentée. Ce « Prélude à la Nuit des rois » , bien qu’étant une œuvre autonome, constitue bel et bien un prélude à la pièce originale, une sorte d’adaptation lyrique, une mise en bouche, en attendant le mets principal…
La traduction et l’adaptation, signée Rébecca Déraspe et Frédéric Bélanger, d’une durée de 55 minutes, constitue un raccourci audacieux et de haute voltige, qui mêle plusieurs arts, tels la danse, la musique, le chant et le théâtre. Le metteur en scène et directeur artistique du Théâtre Advienne que pourra, Frédéric Bélanger, a voulu montrer, par ses choix artistiques, que son œuvre rompait avec l’oeuvre originale et qu’elle vivait par elle-même. Ainsi, le choix de montrer les musiciens et leurs instruments sur scène, les différents vidéos et l’utilisation du médium de la danse témoignent à coup sûr d’une modernité et d’une originalité affirmées. Bien que l’essentiel de l’intrigue imaginée par Shakespeare soit conservée, la compréhension de la pièce m’a semblé passablement diminuée et difficile à suivre, de par les conditions mêmes de sa représentation. Il y a, tout d’abord, le fait que la pièce soit très raccourcie, par rapport à sa version originale. On a ainsi dû éliminer plusieurs scènes signifiantes. D’autre part, il faut bien noter que le fait que cet art vivant soit transformé en « art distant » enlève le côté animé, jovial et spontané du théâtre « live ». La pièce devient forcément un mélange de vidéo et de théâtre. L’équipe de production a alors dû penser en termes de prises de vue, d’angles de captation et d’ajouts d’autres médiums, afin de rendre le tout agréable et esthétiquement intéressant. Les éléments visuels ont pu alors prendre une large place dans la production : images de mer, de corps se mouvant dans l’eau, etc.
En quelques mots, « Prélude à la Nuit des rois » constitue une œuvre remplie de poésie, réunissant plusieurs formes d’art, bien exploitées. C’est une œuvre hybride, entre théâtre et vidéo. Le contenu de la pièce originale, La Nuit des rois, y est par contre quelque peu escamoté.
Avec Adrien Bletton, Kathleen Fortin, Eve Landry, Yves Jacques, Marie-Pier Labrecque, Benoît Mc Ginnis, Jean-Philippe Perras.
Mouvements : Janie Richard et Marcio Vinicius.
Conception vidéo : Thomas Payette/ HUB studio.
Musique originale : Adrien Bletton, Jean-Philippe Perras.
En webdiffusion jusqu’au 18 octobre 2020.