Il n’est qu’un magnifique poème capable d’exprimer toute la beauté et la grâce que nous a offertes Margie Gillis à travers son spectacle « Littérature du corps », présenté les 9 et 10 février derniers au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts.
La chorégraphe et danseuse, mondialement connue pour l’originalité, la sensualité et la beauté intrinsèques qui se dégagent de ses chorégraphies et de ses interprétations, a ravi une fois de plus son public, en présentant le fruit de ses 50 ans de travail….
Sentiments humains…
« Littérature du corps » exprime avec justesse, raffinement et grâce tous les sentiments humains que l’âme peut ressentir… La joie et la liberté triomphent toujours de la détresse, de la peur et de l’abattement qui rivent l’homme au sol, lorsque les vents lui sont trop contraires…
La première partie raconte l’histoire des réfugiés climatiques. Tant de routes à parcourir… tant d’océans à traverser… tant de larmes versées et tant d’obstacles à franchir… Le corps s’épuise et tombe. L’âme se recroqueville sur elle-même et menace de se scléroser, le courage s’étiole… Le découragement veille, tel l’aigle qui repère sa proie… Mais les Humains sont là. Les Humains sont encore là, malgré les richesses qui se raréfient, l’espace qui se restreint, les bras qui sont occupés ailleurs… Les Humains sont encore là, qui secourent leurs frères, qui passent un bras réconfortant sur leurs épaules, qui les relèvent, qui les soutiennent… mais jusqu’à quand?… L’individualisme guette, la terre rétrécit, la nourriture se raréfie, l’air et l’espace leur sont devenus hostiles. Sur quelle île inconnue iront vivre les Humains? Jusqu’à quels retranchements serons-nous poussés?
Margie Gillis: son univers…
Voilà ce qu’expriment les 16 danseurs-interprètes qui transmettent l’univers riche, lucide, poétique et profondément compatissant de la créatrice Margie Gillis…
La seconde partie nous plonge dans l’univers de Molly Bloom, femme de Léopold Bloom, dans le roman Ulysse, de James Joyce. Elle est l’équivalent de Pénélope, dans l’Odyssée, sauf qu’elle n’attend pas éternellement son mari… Elle est libre et a une liaison avec Blazes Boylan. Le thème de la Liberté est celui qui prévaut et traverse toute l’oeuvre de Margie Gillis, depuis ses tout débuts. On n’a qu’à penser à son immense chevelure indomptée qu’elle secoue de façon magistrale, à travers toutes ses chorégraphies, envoyant ainsi valser toute entrave qui pourrait se poser sur son chemin… Margie Gillis respire la liberté; Margie Gillis incarne la liberté.
Liberté, liberté!
C’est le thème qui traverse toute cette deuxième partie, alors que les interprètes – surtout féminines – utilisent un grand tissu, qui exprime, à mon sens, la vie avec laquelle elles doivent jongler, soit notre libre-arbitre, à chacun et chacune. Que faisons-nous avec ce libre-arbitre, ce frère siamois du destin? Parfois, nous nous lovons dans sa chaleur, dans sa douceur, comme une couverture, sur laquelle nous nous reposons… Parfois, nous nous battons contre notre destin, tel un lion indomptable, qui échappe à notre volonté. Parfois, nous nous unissons aux autres, dans le but d’un partage, d’une union des forces… Parfois, ce tissu, qui nous est indissociable, sert à transporter et à soutenir quelqu’un qui n’a plus de forces… Dans tous les cas, cette couverture, ce destin qui nous est imparti, est indissociable de notre être…
Tant de poésie dans ces danses! Tant de beauté et de créativité!
Et que dire de la présence de Margie Gillis, qui danse avec ses interprètes dans une section de la dernière partie! Une fleur parmi les fleurs! Une rose, parmi toutes celles qu’elle a créées…
Crédit photos : ©Sasha Onyshchenko