Luce Langis

Chroniqueure culturelle

« Le meilleur des mondes » au Théâtre Denise-Pelletier | La réelle dystopie : l’humanité…


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Soumis par Luce Langis le 28 septembre 2019 –

Du 25 septembre au 19 octobre, le Théâtre Denise-Pelletier (TDP) présente la pièce « Le meilleur des mondes », créée par le dramaturge Guillaume Corbeil, d’après le roman dystopique d’ Aldous Huxley, écrit en 1931, dans une mise en scène de Frédéric Blanchette. Réalité? Fiction? Les deux s’entremêlent, pour ne former qu’une seule et même réalité!

C’est à un spectacle très touffu, d’une heure quarante-cinq minutes (sans intermission) que nous convie le Théâtre Denise-Pelletier. Sur une scène on ne peut plus dépouillée, formée seulement de deux étroites descentes, qui s’enfoncent vers les profondeurs de la terre – mais aussi de la psyché, pourrait-on dire – six personnages vont tenter de nous démontrer que le « nouveau monde post-moderne » est de loin supérieur à l’ancien. Et ils ne ménageront pas leurs efforts pour nous le prouver! Ici, on confronte deux mondes : celui d’hier -où l’humain était encore humain – et un monde supposément dystopique, où l’humain s’est transformé en un être post-moderne… auquel on s’identifie, finalement, totalement…

Qu’est-ce que le nouveau monde post-moderne? C’est celui, en fait, dans lequel on vit, dans lequel on se reconnaît (presque) totalement. C’est un monde où l’humain a extrait son humanité de lui-même. Ainsi, ici, les nouveaux hommes n’ont plus de sentiments, car les sentiments sont embarrassants, inutiles, trop compliqués, et inefficaces pour atteindre le bonheur préfabriqué que le nouveau monde a préparé pour nous. C’est aussi un monde où la publicité est omniprésente; elle récupère tout sur son passage… C’est un monde où le « paraître » est plus important que l’« être ». Ainsi, devenir vedette – même si on n’a rien accompli – prime sur les réels accomplissements. Se prendre en photo, se montrer, s’auto-glorifier sont des démonstrations patentes de ce narcissisme post-moderne. Sans lumière sur soi, point de salut, point d’existence, même. C’est un monde de divertissement forcené, de superficialité continue, où la réflexion, la pensée propre et la remise en question deviennent fortement subversives. C’est aussi un monde où le bonheur s’achète sous forme de produit de vapotage, appelé « Soma » (dans l’ancien monde, le « pot » ou « splif de hasch »…) Une petite déprime? Une pof de Soma et tout est réglé… C’est aussi un monde où le livre, non seulement n’existe plus, mais apparaît comme un objet dépassant toute subversion, et créant même de la frayeur, du rejet, voire une horreur sans nom. Ainsi, Shakespeare devient le prototype d’un monde disparu, ignoré sous la poussière de siècles d’anéantissement de la pensée individuelle. C’est le monde de la pensée unique. Dystopie, vous dites???

Il existe bien quelques reliquats de l’ancien monde… Ils sont ici personnifiés par deux sans-abris, une mère et son fils, faisant irruption dans le monde totalement fermé, sécurisé et aseptisé d’un habitant du nouveau monde. Ce dernier est alors extrêmement effrayé et déstabilisé par leur entrée. Il les intime de partir sur-le-champ, mais ceux-ci refusent et résistent. Se laissant peu à peu apprivoisé, l’homme nouveau leur découvrira pourtant des facettes intéressantes et attrayantes. Il se laissera peu à peu séduire par cet ancien monde, signifiant et humain. Cependant, le système les récupérera très vite et les avalera d’une seule bouchée dans son gigantesque maëlstrom.

Dans cette pièce, les très nombreuses scènes s’enchaînent à un rythme effarant, étourdissant, à l’image même de notre société. Ainsi, l’auteur et le metteur en scène ont réussi à faire concorder le contenu et la forme… Le seul point un peu négatif à apporter est que l’auteur a peut-être cherché à en mettre trop. Les exemples montrant la réalité aberrante de notre monde moderne foisonnent. Il a choisi de mettre à peu près toutes les situations que l’on peut rencontrer. Cela donne un genre de courtepointe de scènes juxtaposées, plutôt qu’une histoire, ayant un début et une fin. Cela donne un tableau, plutôt qu’un récit. Mais sans doute était-ce le but recherché : montrer et démontrer que le nouveau monde n’est plus une dystopie. Quoi qu’il en soit, la démonstration est largement faite et efficiente. Impossible de ne pas avoir compris que nous vivions aujourd’hui la dystopie d’hier, annoncée par Huxley et Orwell!
La véritable dystopie ne devient-elle pas alors l’humanité??

Avec Ariane Castellanos, Benoît Drouin-Germain, Mohsen El Gharbi, Kathleen Fortin, Simon Lacroix et Macha Limonchik, dans une mise en scène de Frédéric Blanchette.



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