Luce Langis

Chroniqueure culturelle

Docteure, au Théâtre Jean-Duceppe : Quand le mieux est l’ennemi du bien…


S’il est une pièce d’actualité qui joue présentement sur nos scènes de théâtre, c’est bien Docteure, écrite originellement en 1912 par le dramaturge viennois Arthur Schnitzler, (Professeur Bernhardi), puis remaniée en 2019 par Robert Icke. Cette pièce coup de poing et véritable thriller moral mettant en scène l’excellente Pascale Montpetit dans le rôle principal, traite du dérapage survenant au sein d’un groupe, lorsque tous et chacun réclame sa part d’invidualité et de droit à la dissension…

À l’ère de la mondialisation, où les pays et les individus sont tous malaxés dans un grand maëstrom indéfini et anonyme, qui broie totalement leur pouvoir, chacun et chacune réclame sa part de reconnaissance et d’individualité. Les réseaux sociaux deviennent le seul lieu où les gens peuvent exprimer leur identité, leur besoin de se sentir reconnus et pas tout à fait impuissants face aux GAFFA et aux puissants lobby, industries et politiques de ce monde. C’est bien ce que nos sociétés vivent actuellement, alors que chacun des groupes, aussi minuscules soient-ils, réclame sa part de reconnaissance et de droits. Or, plus une société est fragmentée, plus elle est difficile à gérer. Comment accorder tous ces droits à chacune de ses identités plurielles, sans perdre de vue et négliger le bien commun? Projet insensé et voué d’avance à l’échec, car c’est la quadrature du cercle… C’est le propos de Docteure, présenté jusqu’au 18 novembre sur la scène de Jean-Duceppe.

La docteure Wolff (Pascale Montpetit) est une médecin d’expérience dont la droiture et l’éthique médicales exemplaires constituent les assises de son professionnalisme. Or, ce dernier sera mis à rude épreuve, dans ce monde post-moderne où ces valeurs sont occultées, au profit de l’égalité pour tous, quels que soient le diplôme ou l’expérience. C’est le nivellement par le bas et la dictature de l’individualisme.

Lors de l’agonie d’une patiente mineure, un prêtre se pointe à la clinique qu’a fondée la docteure Wolff pour donner l’extrême-onction à cette jeune fille. Docteure Wolff juge que ce n’est pas à propos et défend plutôt la quiétude de cette patiente, qu’elle juge avoir le droit de mourir en paix, sans perturbations. Le prêtre (noir) s’acharne et veut littéralement forcer physiquement le passage au médecin. Cette dernière doit lui mettre la main sur l’épaule pour l’en empêcher. Or, tel qu’il est de mode actuellement, le prêtre filme l’entretien, le poste sur les réseaux sociaux et se pose alors en victime de cette médecin « intolérante, xénophobe, anti-catholique, violente et… incompétente… en plus d’être femme ». L’amalgame avec le statut d’ « incompétente et d’inapte » est vite fait, par rapport au Dr. Wolff, et son sort est jugé par le nombre de « likes » sur les réseaux sociaux. À l’heure où chacun a sa petite idée sur tout, la Cour Facebook a jugé la docteure Wolff : COUPABLE! 

Le vent va dans la direction où le mène le consensus social… des nobody. Tour à tour, les membres du personnel médical, dont certains sont mus par le désir de prendre la place de la directrice du Centre médical, se retourneront contre elle. Le conseil d’administration suivra, puis le politique, mû par le désir de conserver le pouvoir, ce dernier dépendant lui-même de l’assentiment de la majorité… Se pointe également le père de la jeune morte qui, outrepassant tous ses droits, montre qu’il n’a plus aucun respect de l’autorité et des institutions, en agressant physiquement la docteure Wolff… Un faux débat télévisé, nullement intéressé par la recherche de la vérité, mais uniquement axé sur « le paraître », se tiendra… pour la forme… En panel, des représentants de toutes les identités de la société : président des Catholiques, président des droits pour les Noirs, président des droits de… et de…. Bref, la pauvre médecin se retrouve seule à se défendre et à tenter de prouver son éthique personnelle et professionnelle. Au final, face à tous ces adversaires et au jugement social, elle devra démissionner.

Combien de fois voit-on ces cas, de nos jours? Chaque jour – ou presque – des têtes tombent… et souvent celles des meilleurs de notre société. Voilà comment, tel qu’au Moyen-Age, on crée des monstres…

Distribution : Pascale Montpetit, Alexandre Bergeron, Sofia Blondin, Alice Dorval, Nora Guerch, Ariel Ifergan, Tania Kontoyanni, Sharon James. Harry Standjofski, Elkahna Talbi, Yanic Truesdale. 

Mise en scène : Marie-Eve Milot

Traduction : Fanny Britt

A voir jusqu’au 18 novembre, au Théâtre Jean-Duceppe.

https://duceppe.com/programme-docteure/



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