Luce Langis

Chroniqueure culturelle

Nareh Arghamanyan: une pianiste vraiment exceptionnelle


Par Luce Langis  | 31 juillet 2016 | Contenu original

Jean-Sébastien Bach est à l’intériorité ce que les églises sont au recueillement. Lorsque les deux se conjuguent, cela donne un état d’esprit, une émotion de profondeur qu’aucun sage au monde, fût-il le plus grand, ne saurait donner…

Le 26 juillet dernier, dans la magnifique Église de St-Sulpice, sise au bord du fleuve, la pianiste Nareh Arghamanyan interprétait avec toute la sensibilité et la virtuosité nécessaires les « 30 variations Goldberg ». Animée d’un souffle exceptionnel, elle enchanta la salle, bondée de mélomanes, par une interprétation sans faille de cette oeuvre magistrale de 45 minutes ininterrompues. C’est en soi un exploit très méritoire que d’exécuter cette oeuvre contrapuntique très exigeante, constituée de formes, d’harmonies, de rythmes, d’expression et de raffinement technique. La seconde partie du concert s’ouvrait avec la Danse macabre de Saint-Saëns, suivie de Deux mélodies de Schubert, puis d’une oeuvre de Mozart Confutatis et Lacrymosa (extrait du Requiem), et clôturait avec une oeuvre de Frantz Litz, Totentanz.

En cette soirée de canicule, les mélomanes entassés dans la belle église ne s’y trouvaient pas par hasard, ou par simple goût d’entendre de la musique classique. Non… C’étaient de fins connaisseurs qui venaient expressément, pour la plupart, entendre leur oeuvre fétiche : les « variations Goldberg », largement popularisées par Glenn Gould, notre contemporain. Cette oeuvre magistrale, composée en 1740, représente le sommet de la forme « thèmes avec variations », où le thème est constamment repris par les différentes parties de l’ensemble, formant ainsi une superposition de mélodies. C’est ce qui en fait sa si grande richesse et sa délicatesse, telle une dentelle qu’on déploie doucement pendant près d’une heure…

Il est intéressant de connaître la petite histoire de cette oeuvre. On dit que le comte Hermann Carl von Keyserling, ancien ambassadeur de Russie à la Cour de Saxe à Dresde, avait demandé un jour à Bach de lui écrire une oeuvre « plaisante et un peu animée », qui l’aiderait à soulager ses douleurs et son inconfort aggravés par l’insomnie. Cette musique serait jouée par le meilleur élève de Bach à l’époque : Johann Théophilus Goldberg. Pour Bach, comme on peut le supposer, une suite de variations produirait un effet calmant, voire thérapeutique, sur le Comte. Mission accomplie, M. Bach : cette oeuvre est très douce, très riche et jamais ennuyante.

Une courte entracte de 15 minutes a permis aux spectateurs d’aller se rafraîchir à l’extérieur et d’en profiter pour admirer le fleuve…

Au retour, les accords plaqués, la fougue intempestive du jeu et l’atmosphère inquiétante de la Danse macabre nous plongent dans une tout autre énergie. Ici, la mort s’est invitée et on la voit presque s’agiter au coeur du cimetière… Les doux canons des « Variations de Goldberg » se sont définitivement tus. On assiste, jusqu’à la fin du concert, à une énergie totalement différente, marquée par la fascination qu’exerce la Mort sur le compositeur Litz. Le contraste, quoique bienvenu, est frappant.

Deux mélodies de Schubert, dont Litz était un grand admirateur, sont ensuite exécutées avec fougue et brio. En plus de certaines mélodies de Schubert, Litz a transcrit une partie des oeuvres de plusieurs grands compositeurs. De Mozart, il n’en a transcrit que deux extraits du Requiem, également présentés lors de ce concert. L’oeuvre commence par le Dies irae (jour de colère en latin), où de puissants éclats alternent avec la tendre supplique du Confutatis ; la musique est empreinte de soupirs, fidèle au texte du Lacrymosa (Jour de douleurs, ce jour de soupirs). Enfin, Totentanz (danse macabre), par son « tremblement, le cliquetis de ses rythmes et ses sonorités évocatrices d’os qui dansent[1] » achève de nous clouer sur nos chaises et de nous donner la chair de poule. D’une très grande difficulté technique, où les flots d’arpèges diaboliques succèdent aux cascades d’octaves et de chromatiques, cette oeuvre évoquant le cauchemar et l’enfer atteint plusieurs sommets d’incandescence.

La virtuosité de Nareh Arghamanyan se déploie ici dans toute sa splendeur et sa puissance et atteint des sommets rarement inégalés. C’est un torrent d’eau vive et une cascade de notes que nous offre cette pianiste réellement accomplie. Trois ovations debout et deux rappels en ont témoigné. La pianiste que j’ai été était tout simplement ravie…

Le festival de musique classique de Lanaudière se poursuit jusqu’au 7 août.


Artistes / personnalités :Nareh Arghamanyan

Tags :Piano Festival de Lanaudière



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