Luce Langis

Chroniqueure culturelle

Le timide à la cour: festif, haut en couleur, en esprit et en rebondissements


Par Luce Langis  | 3 octobre 2016 | Contenu original

Le Théâtre Denise-Pelletier présente, du 28 septembre au 22 octobre, la comédie d’intrigue Le timide à la cour, écrite en 1611 par l’espagnol Tirso De Molina et mise en scène par Alexandre Fecteau. Une riche distribution, composée entre autres de Sophie Cadieux, Kim Despatis, Roger La Rue, Simon Rousseau et plusieurs autres, relève avec splendeur et brio le défi de rendre cette pièce du début 17ème siècle, toujours pertinente.

Le timide à la cour, pièce parfaitement représentative de son époque, nous en met plein la vue par ses costumes colorés et flamboyants, le rire qu’elle suscite, les nombreux personnages qu’elle met en scène, l’enchaînement ininterrompu de situations alambiquées et des rebondissements qu’elles entraînent.

Elle nous confond par ses quiproquos et nous ravit par les dialogues vifs et mordants des personnages. Le caractère joyeux, coloré et festif de cette pièce est un vrai régal, en ce début d’automne…

L’histoire…

Le berger Mireno, se sentant fait pour un autre style de vie, décide d’abandonner ses montagnes et d’aller vers la ville, afin d’y trouver, espère-t-il, gloire et fortune. Il convainc son ami Tarzo de l’accompagner. Lors du périple, ils rencontrent un certain Lorenzo, poursuivi pour fraude par la milice. Lorenzo et son comparse réussissent à convaincre Mireno et Tarzo d’échanger leurs vêtements. Ces derniers, ne rêvant depuis longtemps que de faire partie de la Cour et d’en porter les apparats, n’y voient que du feu… C’est donc lui qui sera appréhendé – au lieu de Lorenzo – et amené au palais pour y être jugé par le Duc. Là, il rencontre les deux filles du Duc : Séraphina et sa sœur cadette, Magdalena, dont il tombe amoureux. Cependant, comme il est plus timide que fraudeur, il n’arrive pas à lui déclarer son amour… Ainsi, un impressionnant ballet de mi-déclarations, mi-rétractations entre les deux se met en place, pimenté de quiproquos et de feintes. Parallèlement à cette quête principale, plusieurs autres intrigues, toutes emberlificotées de façades, de vérités dérobées, de déguisements et de quiproquos, se nouent entre les différents personnages. Au fur et à mesure que la pièce évolue, les masques tombent et la vérité apparaît. Le spectateur, tenu en haleine jusque-là, soupire enfin d’aise. Il a été aspiré par l’histoire et a passé un excellent moment, sans jamais s’ennuyer…

Le contexte…

Il faut dire qu’au 17ème siècle, les gens avaient bien besoin de rire et de se distraire, eux aussi. Pris au centre de l’Inquisition, des guerres de conquête, des conflits entre la Cour, la noblesse et le peuple, et obligés de respecter le code d’honneur en vigueur, ils sont bien heureux de pouvoir exprimer, par le truchement du théâtre, leurs préoccupations personnelles et celles des grands enjeux de l’époque. Ainsi, comme la sauvegarde des apparences était primordiale – si l’on voulait sauver sa peau – l’auteur Gabriel Téllez prit le pseudonyme de Tirso de Molina pour écrire. Le code d’honneur du Siècle d’Or reposait sur le maintien des apparences, à tout prix. L’Inquisition et son corollaire, la délation, régnaient en maîtres. Les vérités déshonorantes devaient rester cachées à tout prix. Cela explique pourquoi le théâtre de Molina use tellement du procédé de façades, de déguisements, de vérités cachées, d’entourloupettes et de quiproquos avant de finalement révéler, par petits bouts, la vérité. Pour les spectateurs, cela fait partie, bien sûr, du plaisir théâtral.

La notion de quête constitue également un thème dominant de ce siècle très prolifique en expressions artistiques en tout genre. Outre la quête de vérité, il y a celle de territoire, de plaisir, de richesse et, bien sûr, la quête amoureuse. Bien que De Molina ne fasse pas exception aux auteurs de son temps, en ce qui a trait à la misogynie ambiante, il n’en demeure pas moins qu’il fait preuve d’avant-gardisme dans la construction de ses deux personnages féminins. Ainsi, Magdalena sera courageuse et audacieuse, dans l’expression de ses sentiments amoureux, et sensuelle (ce qui est tout à fait antinomique à l’époque). Sa sœur Séraphina, elle, se montre féministe avant son temps. Elle est fougueuse, indépendante, subversive et affirmée. Elle refusera l’autorité de son père. Les deux sœurs refuseront l’homme à qui on les dédie, et Magdalena choisira plutôt celui qu’elle aime.

Lorsque l’auteur Tirso De Molina met des énormités misogynes dans la bouche de ses personnages masculins, le metteur en scène Alexandre Fecteau a choisi de sortir du texte et de se dissocier, ouvertement, de ces propos. C’est ainsi que Sophie Cadieux enlève alors un accessoire de son costume pour annoncer que la troupe ne partage pas du tout ces propos…

En bref, Le Timide à la Cour est une excellente pièce, pleine de rebondissements, de fraîcheur, de dialogues vifs, remplis d’humour et d’esprit. Les personnages, hauts en couleur, tiennent le spectateur en haleine jusqu’à la fin. Vous passerez un excellent deux heures, sans voir le temps passer.

Le timide à la cour est une production conjointe du théâtre Denise-Pelletier et du Théâtre de la Banquette arrière, qui fête cette année son 15ème anniversaire. Longue et prolifique vie aux deux Théâtres!

Le timide à la cour est présenté au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 22 octobre.

Artistes / personnalités :Alexandre Fecteau Sophie Cadieux

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