Luce Langis

Chroniqueure culturelle

Des souris et des hommes au Théâtre Jean-Duceppe: Une mise en scène très juste


Par Luce Langis  | 30 octobre 2018 | Contenu original

La pièce culte Des souris et des hommes, de l’auteur américain John Steinbeck, est présentement à l’affiche au Théâtre Jean-Duceppe. Écrite en 1936, elle traite de thèmes universels qui en font une œuvre indémodable, traversant les âges sans un pli. Mettant en scène deux amis que tout oppose, mais dont l’amitié est par ailleurs indestructible, elle pose la difficile question : « Jusqu’où doit aller une amitié? » Située dans une époque difficile – celle du début des années 1930 en Californie – la pièce aborde plusieurs thèmes tels la solidarité indispensable entre les êtres, le rêve qui fait vivre, les difficiles conditions des travailleurs et la cruauté de la vie.

À une époque comme la nôtre où l’individualisme règne en maître et entraîne à sa suite toutes sortes de misères solitaires, il est bon de voir qu’à certains autres moments de l’Histoire, parfois les plus tragiques, les hommes ont dû se solidariser pour survivre et affronter leur destin. George (Benoît McGinnis) et Lennie (Guillaume Cyr) sont deux amis que rien ne peut séparer, sauf la mort. L’auteur les a créés très différents l’un de l’autre, pour accentuer davantage la force brute de l’amitié qui les unit. Lennie est un être naïf, simple d’esprit – qu’on qualifierait aujourd’hui de déficient intellectuel moyen – mais avec un cœur immense et une fidélité à toute épreuve envers son ami. En fait, il est totalement dépendant de George du fait de son handicap mental. George, lui, est intelligent et débrouillard, mais il a tout autant besoin de compagnie, de partage et d’amitié qu’il trouvera en Lennie. Les deux se complètent et ont autant besoin l’un de l’autre pour partager les épreuves mises sur leur chemin.

Sur les routes de l’Ouest américain, les deux inséparables amis traînent leurs maigres baluchons – mais remplis de rêves immenses – à la recherche d’un travail quelconque sur une ferme. Devant souvent quitter un emploi à cause des gaffes de Lennie, ils aboutissent dans une ferme où d’autres malheureux travailleurs errants ont abouti. Dans cette microsociété, les prototypes sont bien représentés. Il y a le fils du patron, Curley (Maxim Gaudette), personnage violent, intransigeant, sans cœur, tyrannique envers les plus faibles, n’ayant pas besoin de travailler et cherchant constamment noise aux travailleurs. Il y a sa femme, Mae (Marie-Pier Labrecque), qui se retrouve seule au milieu d’un monde d’hommes. On la décrit dans la pièce comme étant « allumeuse »; toutefois, dans cette version, elle ne l’est pas. Elle est plutôt une victime, très seule, violentée par son mari et qui rêve simplement de contacts humains. D’autres personnages secondaires complètent la distribution, mais l’histoire est surtout concentrée sur George et Lennie. Le jeu de ces deux personnages principaux est très juste, sensible et percutant.

L’un des grands thèmes abordés ici est « le rêve qui fait vivre ». En effet tous ces personnages, compagnons d’infortune, ont une chose en commun : le rêve. Ils rêvent tous de s’en sortir, de voir leur sort s’améliorer. C’est ce qui les tient en vie. Lennie et George rêvent d’une petite ferme avec des animaux, en particulier des lapins, que Lennie (au comportement enfantin) pourrait caresser jusqu’à plus soif. Ce rêve, qu’ils se répètent ad nauseam, comme un leitmotiv, leur sert de bouée de sauvetage, de lumière au bout du tunnel.

Cette pièce, que Steinbeck a voulue « naturelle, enchaînée et sans temps mort, fulgurante, implacable et consciente de son destin » a rencontré tous ces buts dans la mise en scène épurée, sobre, intense et ciblée sur les relations humaines du metteur en scène Vincent-Guillaume Otis. Le décor, très sobre, constitué de lits de camps et de palettes de bois, illustre fort bien la réalité fruste des logements des travailleurs des champs à cette époque. Ces choix de mise en scène visent également à laisser toute la place aux dialogues des personnages, à la force de leurs émotions et au destin implacable qui se joue sous nos yeux. Tous ces choix de mise en scène font que l’enjeu principal de cette pièce – soit « l’amitié, à la vie à la mort » – est très bien rendu et nous parvient dans toute sa lucidité et son implacabilité.

La pièce Des souris et des hommes est présentée jusqu’au 1er décembre au Théâtre Jean-Duceppe. Des supplémentaires sont déjà prévues. Pour acheter vos billets, cliquez ici.

Artistes / personnalités :Benoît McGinnis Guillaume Cyr John Steinbeck Vincent-Guillaume Otis

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