Critique
Du 18 au 29 novembre, à la salle Réjean-Ducharme du TNM, la coopérative interculturelle d’artistes et travailleuses Ludotek-Art présente « Les passages de Garro », une pièce traitant de plusieurs sujets, tels l’oppression mâle, la violence conjugale, la relation tumultueuse du couple d’Octavio Paz, la fuite dans l’imaginaire, l’acte d’écrire, la création de personnages imaginaires issus de plusieurs générations, etc. Bref, cette pièce m’a fait penser à une pieuvre lançant ses 8 pattes dans toutes les directions, sans en saisir vraiment aucune.
Pour moi, il y a un manque d’unité dans toutes les manifestations relatées, montrant les conséquences de l’abus de pouvoir, mais sans avoir de trame principale, où l’on pourrait suivre les péripéties de l’action. Le fil conducteur (la relation abusive d’Octavio Paz envers sa femme) est sans cesse rompu, laissant la place à une panoplie de manifestations de l’abus, tels des carreaux d’une immense courtepointe.
Sur scène, cinq femmes qui joueront différents rôles, allant du chat, qui arpente la scène au début, au personnage d’un livre qu’aurait écrit Garro, le personnage principal, épouse de feu Octavio Paz. Pendant une heure et demie, les personnages se meuvent sur scène, tantôt en rampant, tantôt en soutenant un dialogue empreint d’un profond sentiment d’impuissance, de détresse, de tristesse, de compassion, de solidarité et de recherche de solutions à leur vie bouchée par la fermeture d’une société extrêmement patriarcale et machiste.
Plusieurs éléments de la scénographie sont demeurés totalement incompréhensibles pour moi. Je pense ici à la marionnette noire, qui joue un rôle important dans la pièce, mais dont je n’ai pu en décoder le rôle. Représente-t-elle la mort? Ça a été mon impression…
Je pense également à la scène où, pendant plusieurs minutes, 3 personnages jouent avec la disposition de verres à vin, en les changeant de place, en les faisant s’entrechoquer, mais où aucune parole n’est prononcée… Je n’ai pas vu le lien avec le reste de la pièce…
Ce récit non-linéaire, reliant différentes époques et générations, nous montre à quel point l’abus de pouvoir envers les femmes est généralisé, cyclique, toujours présent et actif à travers les âges et les sociétés, comme un mal impossible à juguler. Les victimes, elles, en sont marquées profondément – et à jamais – dans leur chair et dans leur âme. Ne leur reste plus alors que la fuite hors du réel pour pouvoir tenter d’y échapper….
Note positive : j’ai apprécié la force convaincante, la justesse et le réalisme du jeu d’Éléna Garro, personnage principal et auteure du texte.
Ce que j’ai retenu de cette pièce, c’est que l’imaginaire peut servir à reconstruire le réel invivable, en présentant un lieu où l’espace de résistance peut enfin s’exprimer…et qui sait, à la longue, peut-être contribuer à changer les choses dans la réalité…
Création Margarita Herrera Domínguez (Création, texte et mise en scène)
Avec Melania Balmaceda Venegas, Ximena Ferrer, Citlali Germé, Paola Huitròn, Myriam Lemieux.


