Hier, l’émotion et la fébrilité étaient déjà à leur comble, avant même que le concert ne commence… C’était en effet très émouvant de voir la scène de la Maison symphonique totalement remplie des quelque cent musiciens de l’OSM, telle une enveloppe musicale prête à être développée par une salle remplie à pleine capacité des milliers d’amoureux de la musique classique…
Le rendez-vous était en effet très attendu entre les mélomanes et l’Orchestre symphonique de Montréal, dirigé par un Rafaël Payare en très grande forme, pour entendre l’émouvant Chant du Cygne de Mahler… Ce prestigieux concert, dédié à la mémoire de l’astrophysicien Hubert Reeves, était enregistré. C’est donc à une heure trente de pur bonheur qu’étaient conviés les mélomanes, dont la longue ovation nourrie, à la fin, a montré toute leur joie et leur admiration.

Le Chant du Cygne
Le compositeur autrichien Gustav Mahler, de l’époque post-romantique, a écrit cette 9ème et dernière symphonie en 1909-1910 et est mort en 1911. Il n’a donc pas pu assister à sa première présentation en 1912.
Cette symphonie, représentant son « chant du cygne », a été écrite par Mahler, en sachant qu’il allait bientôt mourir, suite à un diagnostic médical sans appel.
C’est donc une œuvre remplie de plusieurs sentiments de tristesse, de nostalgie, de réfutations, de combats, de sursauts de vie, puis d’acceptation et de disparition finale, à la toute fin… On peut suivre les différentes émotions qui habitent une personne qui se sait condamner.

L’œuvre en mouvements
Le « Chant du Cygne » se développe en 4 mouvements : 1) Andante comodo, 2) Im Tempo eines gemächlichen Ländlers, 3) Rondo Burleske. Allegro assai et enfin 4) l’Adagio.
Le premier mouvement expose tout d’abord le thème initial avec sensibilité, tendresse et nostalgie, en employant le style contrapuntique initié par Bach, et la polyphonie. On ressent ici tout son attachement à la vie et au monde.
Puis on assiste à un événement tragique, brutal, qui, par l’éclat des cuivres et le changement en mode mineur, vient rompre la belle harmonie, niant alors tout espoir de vie. Les forces antagonistes, représentant la Vie et la Mort, s’alternent tout au long de ce mouvement. Les épisodes tendres et mélodieux disputent une chaude lutte aux épisodes tragiques et bouleversants. Un solo de flûte, aux sonorités évanescentes, vient clore ce mouvement, d’une durée de 25 minutes, sur une note de résignation…
Le second mouvement, où les bassons apportent un sentiment de retour à la réalité, évoque surtout l’impossibilité de fuir la réalité, en présentant une ironie amère que traduisent polyphonies plus complexes et modulations burlesques.
Le troisième mouvement rompt avec l’inertie de la fin du dernier mouvement. Ici, on sent la révolte, la marche décidée, empreinte de véhémence, de craintes et d’interrogation, traduite par les trompettes et se terminant par un fortissimo.
Enfin, le dernier mouvement, l’adagio, évoque l’acceptation, la résignation. Avec l’usage prégnant des cordes, dans de longues phrases mélodieuses, on rend hommage à la vie, à l’amour, avant de dire « adieu ». Dans un passage vertigineux, passionné et déchirant, Mahler vient nous dire un adieu déchirant. Puis, l’apaisement arrive et le musicien se tait… et disparaît.
La fin de l’œuvre, avec ses quelques notes éparses, suspendues à la guillotine de la vie, est tout simplement poignante…


